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Victor Bosoni : analyse méthodologique de son entrainement

  • Cédric Les watts
  • 17 août
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 7 jours

J'entraine Victor depuis 2 années.

En remportant cette même année, la Desertus Bikus, la Traka 560 et la Transcontinental Race à l'âge de 23 ans, il réalise une performance de haute volée qui mérite, selon moi, d'être analysée et partagée.


Victor ne sort pas de nulle part. C'est un ancien coureur élite (le plus haut niveau amateur) et son moteur était déjà plutôt bien développé lorsqu'il est venu me voir.

Cependant, c'est une nouvelle discipline qu'il découvrait et qu'il apprend encore à découvrir. Cette discipline, je l'ai découverte en même temps que lui. Je ne pratique pas l'ultra, ne l'ai jamais pratiqué et c'était le premier coureur d'ultra que j'allais entrainer.

Même si cela reste du vélo et que ma méthodologie repose sur le travail de l'ensemble des qualités cyclistes, il m'a fallu analyser la spécificité de la discipline pour adapter au mieux la planification de l'entrainement.


La demande physiologique


Avant de parler de la demande spécifique, un petit rappel sur les termes utilisés. Pour calibrer l'entrainement des coureurs, et celui de Victor, j'ai recours aux tests lactate qui permettent de déterminer deux seuils physiologiques : LT1 (lactate treshold 1) et LT2. A partir de ces deux seuils, on détermine des domaines d'intensité et des zones d'entrainement qui vont nous permettre de cibler les qualités à travailler.


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Du point de vue physiologique, la discipline exige de répéter plusieurs jours à la suite des efforts longs (souvent plus de 10h) en dessous du premier seuil physiologique (un peu plus intense lorsqu'il croise des chiens errants).

Ni plus, ni moins. Cela paraît simple dit comme ça et pourtant, on pourrait rapidement passer à côté de leviers intéressants.

Je vois beaucoup d'athlètes d'ultra endurance s'entrainer la majeure partie de l'année en mettant l'accent sur le volume des séances. Cela peut sembler logique : la course exige que je pédale longtemps, il faut donc que je fasse des sorties très longues...

"Très long", cela ne veut ne pas dire grand chose. Le terme est relatif à chacun, en fonction de sa discipline, du temps dont on dispose, de notre passif d'entrainement, des volumes que l'on est capable d'assimiler...

Alors j'ai envie de poser la question à vous, lecteur :


Selon vous, quelle était la durée des sorties les plus longues de Victor ?

  • 5h

  • 6h

  • 7h

  • 8h


Le volume


Voici les volumes d'entrainement avec distribution des intensités réalisés par Victor sur ces deux dernières années (2024 et 2025). L'année 2025 n'étant pas terminée à l'heure où j'écris ces lignes, les statistiques s'arrêtent au 17 août.


2025
2025
2024
2024

La comparaison des deux années
La comparaison des deux années

Le volume ainsi que la charge d'entrainement sont en nette augmentation cette année par rapport à 2024 (environ 20%). Choix assumé puisque Victor récupère très bien et a nettement amélioré sa nutrition cette année ce qui lui a permis d'assimiler la charge supplémentaire de très belle manière.

Cependant, augmentation de la charge et du volume d'entrainement ne signifie pas pour autant plus d'intensité (intensité au sens volume au delà du deuxième seuil).


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Volume effectué en z4/5/5+ inférieur cette année par rapport à 2024. Choix assumé par rapport à l'hyper spécialisation de Victor sur les formats Ultra qui nécessitent majoritairement des grosses qualités aux seuils (surtout seuil 1). Nous avons donné davantage d'importance cette année au volume proche du seuil 1 (zone 2 et 3) afin qu'il soit le plus fort possible à ces niveaux d'intensités et qu'il puisse tenir les % les plus élevés le plus longtemps possible sur ses épreuves d'ultra endurance.


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Volume nettement supérieur en z2 (la zone 1 est exclue). Moins net en z3, cependant, l'année n'est pas terminée et il faut ajouter que les seuils de Victor se sont nettement améliorés jusqu'à fin 2024 ce qui représente une dépense énergétique bien supérieure désormais lorsqu'il s'agit de travailler proche de son premier seuil, même en zone 2; nous verrons les chiffres un peu plus loin.


Une semaine type


Ci-dessous, une semaine type d'entrainement de Victor :


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Si on fait un petit calcul de moyenne, les séances qu'il réalise tournent autour de 3h avec un jour de repos complet chaque semaine. Les plus longues atteignent chaque semaine entre 4h (comme ici) jusqu'à 6h. Mais nous ne sommes jamais allés au delà, ou très rarement à l'occasion d'événements spéciaux ou de compétitions.

Il ne s'est pourtant jamais senti limité sur ses efforts plus longs avoisinant les 10-15h de vélo.

Nous avons répondu à la demande physiologique de l'ultra en mettant l'accent davantage sur l'enchainement des jours d'entrainement à un haut pourcentage de son premier seuil plutôt que de passer des dizaines d'heures à très faible intensité.

Le premier seuil de Victor s'est nettement amélioré durant notre première année d'entrainement ensemble et s'est stabilisé cette deuxième année pour avoisiner les 280w (poids identique).


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Ce premier seuil est important car notre méthodologie s'est fondamentalement reposée sur celui-ci : pas de sorties très longues mais des enchainements de sorties de 2-3-4h entre 85 et 90% de son LT1 (seuil lactate 1).

En somme, même si Victor réalise de gros volumes d'entrainement toute l'année (proche des 20h/semaine), nous avons privilégié la qualité à la quantité.

C'est un parti pris. J'ai préféré l'entrainer à rouler vite (mais à un ressenti confortable) plusieurs jours d'affilée afin de repousser ce premier seuil et améliorer ses temps de soutien plutôt que de l'entrainer longtemps (sorties très longues) mais "pas vite".

Attention ! Ce n'est pas parce que ces séances se réalisent sous le premier seuil à un RPE confortable (4/10) que ce sont des séances faciles. Elles laissent de la fatigue et peuvent même user le coureur si la récupération est négligée.

Victor s'applique particulièrement sur ce point depuis deux ans, notamment au niveau nutritionnel en veillant à avoir les bons apports à la fois sur le vélo et en dehors, et cela fait toute la différence.

On ne fait toutefois pas l'impasse sur les séances faciles dites de "récupération".


On retrouve cette amélioration puis stagnation de son LT1 sur ces deux dernières années sur ce graphique "Facteur efficacité" qui représente son efficacité en dessous de ce premier seuil en faisant le rapport watts/FC (depuis octobre 2023).


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La stagnation de ce facteur ne signifie pas obligatoirement stagnation des performances. C'est un facteur de la performance parmi d'autres; le facteur d'efficacité peut ne pas s'améliorer, le premier seuil peut ne pas s'améliorer mais si on améliore le temps de soutien à ce premier seuil ou à un % de ce premier seuil, les performances s'améliorent.

Cependant c'est un indicateur que je prends en compte et peut-être est-il temps de chercher de nouveaux leviers pour l'améliorer. Nous en reparlerons plus tard.


Travail par bloc : nouveau levier en 2025


Vous aurez peut-être remarqué l'appellation "triple seuil" présente sur la semaine type de Victor. L'idée, pour continuer de stimuler Victor après deux années à rouler des heures en zone 2, est de travailler par bloc de 3 jours autour des seuils 1 et 2. Exemple ici :

  • premier jour de bloc : 3x10min un peu au dessus de LT2 puis 30min entre LT1 et LT2

  • deuxième jour de bloc : zone 2 stricte (% élevé de LT1 en continu sur plusieurs heures)

  • troisième jour de bloc : 3x40min au premier seuil

Cela permet d'effectuer une grosse charge cumulée sur 3 jours permettant d'aller chercher des adaptations supplémentaires en jouant à la fois sur la charge et sur la spécificité des courses d'ultra (rouler vite plusieurs jours à la suite avec peu de récupération).


Ces blocs d'entrainement permettent aussi de travailler la durabilité de Victor (sa capacité à rouler vite même après une grosse dépense d'énergie) comme en témoigne l'évolution de ses profils de puissance après 2000kj et 3000kj dépensés :


Profil de puissance absolu
Profil de puissance absolu
Profil de puissance après 2000kj dépensés
Profil de puissance après 2000kj dépensés
Profil de puissance après 3000kj dépensés
Profil de puissance après 3000kj dépensés

Pour travailler cette durabilité, on a introduit depuis ces deux dernières années du travail de torque (basse cadence à intensité élevée). Ce travail consiste à exercer des niveaux de couples très élevés sur les pédales. Pour ce faire, il faut réduire fortement la cadence (40 rpm) et ne pas regarder les watts, car ce qui nous intéresse ici sont les Newtons produits à chaque coup de pédale.

Selon John Wakefield, cela permettrait de "développer des canaux de communication entre le cerveau et les muscles pour gagner en résistance à la fatigue". Même si Victor continue de progresser, je n'ai pas de certitude concernant leur part dans les gains. Ce que je constate, c'est que plus un effort dure, plus nous avons tendance à perdre en cadence; et c'est d'autant plus vrai en ultra cyclisme.

Par exemple sur une transcontinental Race, j'observe une perte de 10 voire 15rpm parfois sur une première journée d'effort de 25h chez lui puis ses RPM se stabilisent à des fréquences de plus en plus basses sur les journées qui passent et s'enchainent. S'entrainer à travailler à basse cadence me semble donc tout à fait spécifique à l'activité et permet, peut-être, d'améliorer le niveau de couple produit sous fatigue et donc les performances...

Nous avons l'habitude d'alterner les séances de torque "court" (intervalles de 20s) avec du long "4-6min" sur plusieurs séries, introduites plus ou moins loin durant la séance pour moduler l'impact sur la durabilité. C'est un travail que l'on fait toute l'année, en bloc de développement, puis sous forme de rappels.

C'est peut-être aussi ce travail à très haute intensité notamment sur les efforts de 20s couplé au travail de musculation en salle qui peuvent expliquer l'amélioration de ses performances même sur des durées courtes (1 à 60s) alors que nous ne travaillons que très peu le développement de la puissance sur ces durées (juste quelques sprints de temps en temps pour un rappel sur la filière glycolytique).


Et pour 2026 ?


L'année 2025 n'est pas encore terminée mais je réfléchis déjà aux nouveaux leviers que l'on va pouvoir actionner pour continuer à faire progresser Victor.

Répéter ce que l'on fait est déjà un fort levier en soi. Les qualités d'endurance prennent du temps à se développer et c'est le cumul des séances et du temps passé dans les bonnes zones au bon moment qui font progresser.

Cependant, je suis les travaux de Cyril Ricci et Sean Seale avec attention depuis plus d'un an maintenant et je vous invite d'ailleurs à lire leur travail. Ce sont des spécialistes de l'entrainement respiratoire. C'est un travail encore méconnu malheureusement (ou heureusement pour les compétiteurs qui l'utilisent déjà) tout comme le fut l'entrainement à la puissance, la nutrition ou la musculation en leur temps...

J'expérimente personnellement cet entrainement et différents outils depuis plus d'un an sans maitriser pleinement le sujet et il me semble en percevoir déjà des bienfaits.

C'est un axe de travail qui me semble particulièrement intéressant pour Victor qui rencontre régulièrement des problèmes de respiration à l'effort durant ses épreuves longues.

Je vous en reparlerai très bientôt, en vidéo, ici, ou les deux...

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